Voici la troisième et dernière partie de nos tops 25 personnels de 2021. Encore de l’éclectisme, comme vous pourrez le constater.
Le Top de Stéphane
05 • Dictateur – Vibrations
Doom cosmique
Frère I et Frère I ne sont pas de la planète Terre. D’une dimension que le commun des mortels ne peut pas encore accepter, Dictateur prêche la parole et tente de convertir les Hommes à sa pensée capitaliste. Libre, fédérateur, aérien et défoncé sont les adjectifs à attribuer à ce Vibrations varié, entraînant et parfaitement balancé entre lourdeur, groove et audacieux. De plus, une reprise du divin Joe Dassin vient de paraître et ferait presque pâlir son auteur. Ruez-vous misérables vermines, vive la défonce, vive le CBD, Vive les frères I et I, Vive Dictateur.
04 • Christine Ott – Time To Die
Ambient / Modern Classical
Prendre le concept de Blade Runner (le film) et transposer les sensations des robots à travers les ondes et les mélodies. Voilà le pari que relève Christine Ott avec ce nouvel album solo. À travers huit compositions, on a presque le sentiment que l’artiste a visionné le film de multiples fois en composant cette œuvre. Le résultat laisse à la fois un sentiment d’angoisse, de grandeur, de piété, de douceur et de science-fiction. J’en profite pour remercier Raintrain Press qui m’a confié toutes les œuvres de Christine cette année (Snowdrops et Theodore Wild Ride). Merci pour ta confiance Sylvie !
3 • Five The Hierophant – Through Aureate Void
Doom Jazz / Avantgarde
J’en rêvais, ça existait. La fusion entre le doom et le jazz avec pour lead le saxophone n’était donc pas un rêve car F.T.H. existe depuis 2017. Through Aureate Void est peut-être cette œuvre qui manquait dans mon existence. Il y a une dispersion d’émotions extrêmes à travers cet opus malsain, comme si un gouffre s’était ouvert sur le monde humain. Les Enfers ont peut-être trouvé la bande-son de leur salle d’attente. Autant vous dire que ne pas halluciner sur Five The Hierophant est impossible. On se retrouve vite dans un vortex dérivant sur un monde enfoui et accueillant seulement pour les âmes perdues.
2 • Lustmord & Karin Park – Alter
Drone
Chaque année, le dauphin de mon album de l’année est une surprise, la chose que je n’aurais peut-être pas choisie de prime abord. Le géant du drone allemand s’est associé à la chanteuse norvégienne d’Årabrot) pour créer ce que j’appellerais un must en terme d’ambient. Si la nationalité du projet semble vague, l’univers dépeint l’est encore plus. On se croirait perdu dans un désert sans fin, ni loi, ni autre humanité possible. Très difficile d’accès, Alter demande énormément d’attention, de patience et dévotion pour devenir viscéral. Je me souviens l’avoir écouté sur la terrasse un soir d’un été, la nuit plus qu’entamée et cette lueur rouge qu’Alter émettait. Essayez, vous verrez.
1 • The Body & BIG|BRAVE – Leaving None But Small Birds
Folk / Drone
Le genre d’album auquel on est d’abord réticent mais qui, avec le temps, devient indispensable. The Body semble être partout et nulle part à la fois. Quand ils ne sortent pas un album sous leur nom (comme cette année d’ailleurs en janvier dernier), c’est une collaboration et celle-ci m’a vraiment marqué. Entre folk, drone et pop, on sent une véritable alchimie s’établir tout au long de ce disque. Il semble presque sonner comme une œuvre du XVe siècle qui serait tellement avant-gardiste pour son époque qu’elle aurait été censurée. L’album s’écoute d’une seule fournée et comporte un final des plus malaisants. Genre on est tous condamnés, alors sourions et chantons, même si la musique se coupe. The Body m’a de nouveau surpris et ils sont déjà de retour en 2022 avec une nouvelle collab. Ce Corps n’a pas fini de nous parler.
L’inclassable • Emma Ruth Rundle – Engine Of Hell
Acoustic
Elle a gagné mon top 2020 grâce à sa collaboration avec Thou. Dans mon cœur, c’est pôle position sans réfléchir mais je voulais garder un semblant d’équité. Ainsi, je place Engine of Hell en inclassable pour des raisons sentimentales évidentes. Emma exprime le Mal, la Douleur à travers des compositions au plus épurées, laissant transparaître de manière exponentielle des millions d’émotions qui nous ressemblent, qui lui ressemblent, quand bien même les « qu’en pensera-t-on ». Par sa sincérité, par sa délicatesse, Emma accède à un rang bien largement supérieur à n’importe quel top. Cet album est pour moi un moyen d’expression entre la violence la plus dure et la douceur dans sa forme la plus abrupte. Aucun mot encore à ce jour ne me parvient pour le décrire objectivement.
Sublime, peut-être. Et ce n’est même pas assez.
Le Top de Guillaume
05 • Xiu Xiu – OH NO
Experimental
Si on devait résumer un top des meilleurs albums de l’année uniquement dédié aux plus écoutés, celui-ci arriverait peut-être en première position pour moi. Je l’ai tant écouté que j’ai l’impression qu’il est sorti en 2020 et pas en 2021… Et pourtant! OH NO est un incontournable de la discographie de Xiu Xiu de par son accessibilité et sa palette sonore plus vaste qu’un océan. Chaque titre est différent, l’artiste s’entoure de nombreux ami.e.s pour étoffer son art et ça fonctionne à chaque morceau. En résulte un disque ultra cohérent malgré l’exercice qui pourrait faire sonner le tout comme une mauvaise compilation. Une vraie réussite!
04 • Genghis Tron – Dream Weapon
Prog Metal / Groove
Si le collectif new-yorkais pouvait se définir comme une formation de mathcore, voire grindcore par le passé, ce n’est plus du tout le cas avec ce tournant qu’ils prennent 13 ans après la sortie de Board Up the House… 13 ans d’absence symbolisée par ce Dream Weapon qui semble avoir été travaillé pendant presque autant de temps tant il brille par sa complexité. Complexité maîtrisée cela dit, car les musiciens ne se perdent jamais en chemin et survolent leur art avec brio. En témoigne un premier et dernier morceau liés par leurs sonorités, comme si Genghis Tron nous enfermait dans une boucle sonore dont il nous est impossible de nous extirper. Maîtrise.
03 • Damon Albarn – The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows
Alt Rock / Folk
Autant d’années de carrière au compteur et pourtant toujours capable de nous surprendre… On pourrait résumer le personnage de Damon Albarn de cette manière. Si l’artiste brille sur le devant de la scène avec son projet principal Gorillaz (principal après l’arrêt de Blur, malgré un court retour en 2015), il est un peu moins connu sous son propre nom. Et pourtant, il brille tout aussi fort. Depuis Everyday Robots, je dois dire que je suis conquis par le personnage. Plus intimiste, plus expérimental, The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows est aussi plus cohérent, il forme un tout presque indissociable. Difficile de détacher un morceau sans vouloir écouter le reste. Un beau moment d’introspection.
02 • Tyler, The Creator – Call Me If You Get Lost
Hip-Hop
Comment pourrais-je omettre un tel album dans mon top? Il tourne encore en boucle dans mes oreilles à l’heure où j’écris ces lignes. Qui aurait cru qu’un album de hip-hop pouvait raconter une histoire aussi complète avec des mélodies aussi variées? Alors oui, je suis fan de clipping. ou encore d’Open Mike Eagle, mais Call Me If You Get Lost de Tyler, The Creator m’a touché droit au cœur cette année. Ses rythmiques, le flow du rappeur, les thèmes abordés, les interludes bourrés d’humour et ce leitmotiv « call me if you get lost » qui revient morceau après morceau… Tout ça fait de ce disque un album concept riche et motivant à écouter. Il redonne vie à une journée morne d’hiver. Foncez donc l’écouter, même si le hip-hop ne vous fait pas vibrer, et vous m’en direz des nouvelles!
01 • Floating Points, Pharoah Sanders & The London Symphony Orchestra – Promises
Modern Classical / Minimalism
Dès la première écoute, je savais. Je savais que cet album me ferait vibrer pendant longtemps, qu’il me ferait voyager jusqu’au plus profond de mes émotions et que je les traverserais comme un paquebot en pleine tempête. Promises m’a permis de me retrouver avec moi-même cette année, et Dieu sait à quel point elle fut rude pour moi. Il m’a permis de méditer, de tout lâcher en larmes, de retrouver le courage, de m’endormir lorsque c’était impossible… Il m’a permis de retrouver la force, il m’a redonné l’énergie qui j’avais perdue… C’est pour moi la collaboration de l’année, l’album de l’année et peut-être même l’album de la décennie tant il m’a bouleversé. Grâce à ce leitmotiv qui colore tout l’album, de la première à la dernière note, et à ce saxophone de Pharoah Sanders qui semble pleurer de mélancolie, Promises réveille tout en vous, tout ce qu’il y a de plus triste, tout ce qu’il y a de plus sombre, mais aussi toute la joie et le bonheur qui sommeille en vous. Promises est incroyable. Promises est parfait.
Le Top d’Anthony
05 • Low – HEY WHAT
Noise / Indie
Le duo Low continue d’explorer et de repousser les limites de l’expérimentation sur ce digne successeur de Double Negative, leur précédent album sorti en 2018. Déroutant au premier abord, ce HEY WHAT, lorsqu’il se laisse dompter, devient étrangement prenant. Ces sons bruts deviennent alors tout ce qu’il y a de plus mélodiques, et les rythmes barbares deviennent cathartiques.
04 • Backxwash – I LIE HERE BURIED WITH MY RINGS AND MY DRESSES
Industrial Hip-Hop
Brutal, intransigeant, ce deuxième album de l’artiste canadienne vient d’un endroit sombre, où la rage, la haine d’autrui et le doute de soi se battent pour prendre la première place. Délivré avec les tripes, I LIE HERE possède tous les atouts d’un parfait album d’horrorcore : une ambiance glauque, des sons agressifs et un rap hargneux. La différence de taille sur cette œuvre est que là où d’autres exagèrent pour avoir l’effet théâtral qui va habituellement de paire avec le genre, les sentiments de Backxwash, aussi sombres soient-ils, sont cruellement authentiques.
03 • Genghis Tron – Dream Weapon
Electronic / Industrial
Retour inespéré d’un groupe ayant vu croître au fil des années son statut de groupe culte d’un pan peu représenté du metal, Dream Weapon risque pourtant de dérouter ses aficionados de par le virage effectué. Lorgnant, comme son nom l’indique, plutôt sur une ambiance onirique, les membres de Genghis Tron ne pratiquent au final plus des masses de metal. Qu’à cela ne tienne, car leur nouvelle mouture a le mérite d’être un des albums les plus envoûtants de l’année.
02 • IOSONOUNCANE – IRA
Industrial / Ambient
Si IRA est long de presque deux heures, c’est parce que IOSONOUNCANE, ce mystérieux artiste italien, réalise le potentiel musical de chacun des titres qui le compose. Sachant susciter tour à tour plénitude et angoisse, le musicien ne laisse passer aucune occasion de rendre évocatrice chacune de ses notes. Le côté surréaliste de l’oeuvre est accentuée par le mélange peu commun de langues chantées, le bon mot toujours trouvé.
01 • The Armed – ULTRAPOP
Metalcore / ULTRAPOP
Le son si particulier qu’affectionne la mouture actuelle de The Armed prend enfin un nom, l’occasion pour eux de sortir un album qui en sera la démonstration la plus parfaite. Joyeux foutoir, penseront les réfractaires ; et ils auront à moitié raison, car derrière ce mur du son se trouve un chef-d’œuvre méticuleusement élaboré. Entourés d’une mystique stratégiquement créée de toute pièces, les membres de The Armed, quels qu’ils soient, s’en donnent à cœur joie au sein d’un projet qui brouille de plus en plus la frontière entre premier et second degré.
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A l’année prochaine 🙂
- L’équipe NMH