Sergueï Korsakov était un neuropsychiatre russe du 19ème siècle et fut l’un des plus reconnus de son temps. Il est décédé à seulement quarante-six ans en laissant derrière lui de nombreux livres sur ses études cliniques et son nom a même été utilisé pour définir une psychose. Le Syndrome de Korsakov désigne des neuropathologies liées à la consommation d’alcool à l’extrême. Ces neuropathologies débouchent sur un phénomène que nous ne connaissons désormais que trop bien dans notre univers : la paranoïa. En effet, la paranoïa, selon Korsakov, serait la résultante d’une carence en vitamines B1 dans le cerveau. Cette carence serait accentuée par l’absorption d’alcool et entraîne un effet de confabulation, c’est-à-dire de croire en ce que l’on pense être la vérité, même si elle est totalement affabulée.
Là, le décor est planté avec cette brève explication. J’avoue n’avoir pioché que sur Wikipédia pour l’établir mais elle est suffisamment parlante que pour décrire le contexte dans lequel je me suis plongé dans ce premier opus du groupe français, originaire de Lille. Opus sorti au préable numériquement, bénéficiant d’une sortie physique chez Source Atone Records (désormais des habitués chez NMH, nous avons chroniqué Demande à la Poussière et Nature Morte sortis sur ce label en 2021, et sans oublier Néfastes). « погружать » est une véritable plongée dans les abysses de l’esprit humain. Et comme rien n’est fait au hasard, le titre de l’album se traduit par « Immersion » en russe. En reprenant l’explication ci-dessus, on peut se rendre compte que le groupe accorde de l’importance à être cohérent dans sa musique et son expression visuel. Et en terme de cohésion d’ailleurs, il en sera de la première à la dernière seconde.
Korsakov va parler au fan de black metal atmosphérique avec la férocité subconsciente dans le propos. Si vous aimez In Cauda Venenum, Vous Autres, Decline of the I ou encore D E L U G E et Regarde Les Hommes Tomber, Korsakov va instinctivement s’imprégner dans votre épiderme. Développant un véritable concept à travers ses compositions, s’étalant de « I » à « VI », Korsakov y intègre des notions évidentes de Depressive BM, sans tomber dans le stéréotype du genre mais y piochant tant la sensibilité que la détresse que ce dernier dégage.
Vous décrire les plages titre par titre n’a pas de sens dans ce cas présent. On va donc de la première à la sixième composition et cela forme un tout. Comme une histoire sonore d’un mal qui tente de s’extirper d’une zone impossible à franchir. Il faut l’écouter dans son intégralité pour en saisir son essence. Sans doute ai-je déjà écrit pareille tirade. Bien possible. Mais c’est tellement cela exprime ce que je recherche dans la musique, quel que soit le genre. Cette fragilité que l’on peut presque palper, renifler et goûter. Ce sang inodore et noir qui coule de veines pas même entaillées. Et pourtant qui écorche au point de sentir son âme s’évader. Voilà un peu ce que m’a fait éprouver (le mot est en plus tellement juste) cette immersion au sein des sensations de Korsakov.
Je ne veux donc pas vous gâcher trop le plaisir en vous racontant trop au sujet de ce superbe effort. J’ai choisi le morceau « I » pour ceux qui souhaitent se faire une idée globale de ce qui les attend sur « погружать ». Le clip est superbe, intense et très bien réalisé. Mais selon moi, c’est limite beaucoup trop réducteur par rapport à la richesse de l’album dans son intégralité. Des moments de calme et d’autres de violence indicible, de douleurs innommables. Vous pouvez toujours vous procurer la version numérique en prix libre sur Bandcamp. Cependant, quelque chose me dit que l’objet physique doit dégager une puissance que seul un objet peut apporter. Korsakov prend encore plus d’ampleur avec cet alcool au fait. Choisissez-le bien car cela peut vraiment rendre fou si on n’y est pas bien préparé.
Bonne écoute
- Tiph