Nous avons tous en nous, êtres humains, une chose commune autre que la génétique. La Nostalgie. Celle avec ce « N » capital et qui nous dépasse tous beaucoup plus qu’on ne voudrait le croire ou même l’accepter. En effet, il nous arrive à tous de ressentir des vibrations de notre propre vécu, des moments d’insouciance, des moments que l’on estime ne pas avoir compris à leurs justes valeurs à cet instant précis. Comme les moments passés avec des membres de notre famille. Ces personnes qui un jour nous quittent, forcément car c’est l’ordre des choses, on ne peut pas combattre la nature, quoi que l’on en pense. On peut en revanche lui laisser une empreinte. Indélébile émotion gravée dans le temps et l’inconscient. C’est à ce point précis que ma pensée rejoint celle de ce « N » capital comme dans celui de Nature Morte, qui en ce mois de mai pluvieux, a sorti Messe Basse, un opus à contre-sens visuel du code du post black atmosphérique comme on l’entend.
Dans sa définition la plus artistique, une nature morte est une œuvre (bien souvent peinte ou photographiée) avec pour obligation de figer à jamais la beauté poétique d’un assemblage d’objets inanimés. Bien souvent des fruits, des ustensiles de cuisine, etc. L’objectif caché derrière cette pratique est de révéler le symbolisme minimaliste des choses, les ramener à l’essentiel. En faire ressortir les traits de leur simplicité ou bien parfois justement, sa complexité mise à nue. En proposant ce visuel, et bien qu’il soit une photographie représentant des personnes, le groupe parisien parvient déjà à attirer le regard et cette fameuse nostalgie dont je vous parle plus haut. Qui d’entre nous, de notre génération de trentenaires, une photo « similaire » de vie dans un recoin de sa tête, de son grenier ou d’un souvenir tant enfoui qu’en remontant, ne pourrait créer un déluge de sensations fortes transformées en larmes de mélancolie? Eh bien, il faut appréhender cet album Messe Basse comme cette larme concrétisée en harmonies. À la fois sincère, soulagée, libératrice, rêveuse et d’une puissance à couper le souffle. Ce visuel est une Nature Morte.
Nature Morte avait posé les bases de son post black sur NM1 en 2018. Il l’approfondit cette année avec beaucoup plus de volumes. En témoignent les déflagrations de « Only Shallowness » et son intro post rock avant de monter en puissance. Un sample rempli d’espoir conclut en beauté cette entrée en matière. Je pense également à « Night’s Silence » (mon titre favori), très progressif dans l’âme en passant par plusieurs émotions qui ne sont pas sans rappeler les débuts de Deafheaven (on peut les critiquer, ils restent précurseurs dans leur domaine et ce sont eux qui ont donné une identité à ce post-black). C’est très puissant, très mélodique et comme je le disais, harmonieux. Il n’y a pas de chant clair et pourtant, ce n’est jamais le foutoir dans les compositions. En plus d’être parfaitement produit, Messe Basse approche très souvent les côtés aériens du son. Les poils s’hérissent sur « White Goat Dark Hoof ». À ce propos, le clip de ce morceau témoigne de cette Nostalgie qui me colle aux basques depuis le début de ses mots. On y voit des images d’archives live, des sourires, des moments de tension avant la scène. Le tout avec ce grain d’image version caméra d’antan. À la fois énergique et nostalgique. Surtout dans le contexte actuel.
Les influences shoegaze s’expriment également sur le mélancolique mais non moins puissant « Knife ». Une intro calme avec une voix d’outre-tombe enveloppe l’auditeur pour emporter dans un mid tempo grandiloquent. Forcément, on y ressent également un petit peu d’Alcest dans les compositions. Nature Morte s’exprime également en ambiançant ses propos. Je fais dans ce cas référence à l’éponyme « Messe Basse ». La pression va monter pour créer une plage drone très sombre, qui contraste avec la luminosité que les autres morceaux dégagent. C’est une autre facette du groupe et surtout je le perçois comme un message ainsi placé en final. Comme un signal que le futur pourrait bien réserver autre chose pour le groupe. Je suis resté sur ma faim, j’en aurais voulu plus. Futur rimerait-il plutôt avec violence ?
Au final, vous l’aurez compris, Nature Morte propose un superbe effort qui se défend par sa sincérité et sa puissance. Un gage de qualité que l’on peut aussi attribuer à son label Source Atone Records, qui monte petit à petit et est en train de faire son trou en trouvant de belles pépites comme Demande à la Poussière, Néfastes ou encore Junon (ex-General Lee). Chez NMH, on ne manquera pas de suivre l’évolution de tout ce beau petit monde.
Bonne écoute.
- Tiph