Des choses bizarres en musique, il y en a des montagnes. Des choses bizarres, mais en plus accrocheuses, étranges et vous laissant sceptique au point de ne pas comprendre ce qu’il vous arrive et de devoir le repasser deux ou trois fois de suite pour capter l’idée, il y en a tout de suite beaucoup moins. Rope&Bones, le duo liégeois nous renvoie directement à nos instincts primitifs avec cette « chose » bizarre qu’est All Is Vibration.
Dix-huit minutes pour tout assembler et exploser. Voilà ce que fut certainement le dictat de Vincent Dessard (plus connu pour être la voix de Lethvm) à la genèse de cet album renversant. Si « Trembling presentiments » envoie un doom sludge screamo très aérien, on bascule ensuite dans un chaotic hardcore type presque grind sur « In harmonious order ». Pour tout dire, on ne s’attend même pas à cette déferlante de violence soudaine. Le groupe l’a même clipée en s’inspirant du film coréen Age of Success sorti en 1988, y reprenant des extraits trafiqués. Le tout est très cohérent, c’est presque ça le « pire ». On imagine que Rope&Bones a traversé le temps l’espace de trente-neuf secondes, pioché ses intestins et revenu en 2021. La démarche est très sanguine.
« Boredom » oscille entre ce que l’artiste fait de mieux : un mélange de violence post hardcore et de mélodie sur un rythme post metal. Des claviers viennent accentuer le mal. Une voix grave accompagne l’ambiance. Il faut le réécouter plusieurs fois pour assimiler son concept. Et comme le dit bien le nom de l’opus, nous sommes ici dans une recherche de vibrations, de fréquences. Celles de « Tormented by nothing » laissent éclater la haine que le duo peinait à contenir. Il la laisse s’exprimer et en fait presque un morceau que l’on pourrait associer aux énormes Black Sheep Wall (d’ailleurs à leurs propos, stay in touch babies). « The maggot of satiety » nous replonge dans le chaos version Converge avant de débouler sur « To the kingdoms of grief and suffering ». Une basse ronronnant comme un chat et une déchirement nous transporte cette fois dans des contrées comme l’ont fait jadis Eyehategod, en plus froid et plus crade encore. En me passant All is Vibration au volant, c’est ce morceau qui est ressorti du lot. Cela reste un sentiment personnel, mais cela m’a donné envie de tuer des gens sur la route. Dommage, il paraît que c’est interdit.
Diffusé lors de notre dernière émission NMH sur YouFM en février, « Vibrations » clôture à la fois en puissance, tristesse et une certaine forme de grandiloquence. À l’image de tout l’opus, ce morceau s’enchaîne de manière inattendue. L’impression de liberté des deux artistes sur cette composition semble s’exprimer au maximum. En prime : le clip tout juste sorti.
Bref, j’espère avoir réussi à restituer cette impression de surprise que m’a laissé ce All is Vibration, tant dans sa conception que son agencement, tant dans sa violence que ses mélodies, tant dans son pouvoir d’attraction que dans sa capacité à te retourner une claque pour t’envoyer valdinguer dix-huit mètres plus loin. Un peu comme ce film de dingue justement. Ah oui, avec tout ça, j’allais presque l’oublier : l’album est en téléchargement libre sur leur Bandcamp. Écoute, partage, vibre.
Bonne écoute
- Tiph