VoBBB n’est pas un nouvel album à proprement parler mais la deuxième partie d’un diptyque entamé l’année dernière par l’intermédiaire de There Existed an Addiction to Blood (qui était présent dans notre top 2019). Originellement prévu pour sortir peu de temps après ce dernier, Visions verra sa sortie repoussée de quelques mois par l’irruption du Covid-19 dans nos vies. Qu’à cela ne tienne, cette sortie est l’occasion de se replonger dans (ou découvrir) l’excellent Addiction, et surtout d’apprécier encore mieux l’ambiance horrifique du double album concept à l’approche d’Halloween. Bien sûr, cet album peut tout à fait être apprécié sans son alter ego (les deux ne seraient pas vendus séparément si ça n’était pas le cas), mais l’expérience n’en sera que meilleure si vous êtes déjà familiers avec l’oeuvre.
Les deux albums, enregistrés en même temps, partagent le même concept, que l’on pourrait résumer comme une sorte d’ode aux films d’horreur de série B des années 90. Et du projet exsude par tous les pores une ambiance macabre et anxiogène avec juste ce qu’il faut de kitsch pour respecter les « classiques » de l’époque. Pour ce faire, les membres de clipping. ont parsemé l’album d’interludes, en plus des classiques intro et outro, qui vont généralement préparer le terrain pour les morceaux qui suivent à l’aide de samples ou saynètes de films d’horreur fictifs, dont ma préférée met en scène une partie de Ouija qui présage une tournure pour le pire. Si ça n’était pas suffisant, les paroles du rappeur Daveed Diggs dépeignent pour chaque morceau une histoire d’épouvante autour d’horreurs bien réelles empruntées à la vie de tous les jours aux États-Unis, à renfort de références cinématographiques bien senties (« Do you like scary movies? What’s your favorite? »). L’auditeur joueur se fera donc un plaisir de retrouver les films référencés.
Ce qui permet au projet de se démarquer d’autres double albums concepts de moindre qualité qui l’ont précédé, c’est cette volonté de servir le thème de bout en bout, même à travers l’utilisation des palettes de sons qui forment la couche instrumentale des morceaux. En plus des explosions de bruit blanc, si chères à clipping., que l’ont pourra trouver de manière plus récurrente encore que sur Addiction (vous voilà avertis), les percussions et mélodies présentes sur l’album sont composées notamment d’enregistrements de casseroles, de tambourinage de porte ou de cloches sinistres. Presque chaque morceau a son lot d’excentricités. Et comme toute bonne suite de film d’horreur qui se respecte, des clins d’oeil -sonores- au premier volume posés ci-et-là récompenseront les fans invétérés.
Quelle joie alors, qu’en plus de tous ces efforts fournis au nom de la sacro-sainte ambiance, la composition des morceaux n’ait nullement pâti. En conteste l’excellent premier single « Say the Name », qui voit clipping. continuer d’expérimenter, que ça soit par le « Candlesticks in the dark, Visions of bodies being burned » répété comme une invocation tout du long du morceau ou l’excellent crescendo de fin où se superposent au leitmotiv de piano une foule de sons qui muteront jusqu’à la note finale le long d’un passage que Nine Inch Nails ne renierait pas. Les nappes de noise font leur entrée sur « Something Underneath », où elles seront utilisées comme percussions alors que le flow de Diggs gagne en vélocité, pour former un des morceaux les plus anxiogènes de l’album. D’autres nouveautés sonores sont à trouver sur « Pain Everyday », qui démarre de manière relativement classique (pour du clipping.) et dévie naturellement vers un break de percussions Aphex Twinien soutenu par des violons tout droit sortis des classiques d’Hooverphonic. Le pénultième morceau « Enlacing » quant à lui est sûrement le plus radio-friendly du double album malgré la tonne de bizarreries sonores, aussi étonnant que cela puisse paraître.
En termes de featurings, les musiciens ont su à nouveau bien s’entourer, et utiliser leurs invités à bon escient sur l’album. Invités dont font partie notamment Michael Esposito, musicien et, plus intéressant encore, investigateur paranormal ; et le groupe d’horrorcore Ho99o9 qui prête sa rage et ses sons crasseux au possible au morceau « Looking Like Meat ». De plus, là où clipping. avaient choisi pour outro d’Addiction « Piano Burning » (littéralement un piano qui brûle), cette fois-ci chaque invité participe à « Secret Piece », interprétation d’une composition de Yoko Ono dont les seules instructions sont de choisir une note et de la jouer, avec pour accompagnement la fôrêt, entre 5 et 8 heure du matin, en été. Comment mieux terminer cette saga horrifique que par une scène de calme durement obtenu, avant le final fondu au noir ?
- Anthony