Dans le doom sludge, atteindre la lourdeur extrême n’est pas forcément chose aussi aisée qu’elle n’y paraît. Il ne s’agit pas seulement de tourner les boutons des amplis et détendre les cordes au maximum pour obtenir cette puissance. Encore faut-il lui donner un sens, un riff, une mélodie pour l’approfondir et avoir un jeu de batterie en concordance avec le coup de tom bien placé pour accentuer l’effet. Si ce coup est manqué ou mal placé, directement cela sonne faux et se perd dans le marasme du son. Les Norvégiens de Hymn ont parfaitement compris ces rudiments et servent sur un plateau avec un coup de vin de sang un Breach Us acéré et révélant une violence inouïe derrière somme toute une attitude plutôt posée.
Hymn, c’est un peu ce qui se rapproche le plus des Britanniques de Conan, l’un des groupes les plus extrêmes au monde dans la lourdeur. Sans revendiquer leur place, Hymn parvient avec ce deuxième effort à se hisser dans ce groupe assez fermé des Doomers les plus violents, aux côtés de leurs aînés comme Bongripper, Cult Of Occult, Yob, Obscure Sphinx et j’en passe. Les couches de grattes se superposent à chaque variation et forme un véritable mur sonore, se rapprochant inexorablement de l’autre mur pour réduire en miettes tout ce qui pourrait se trouver entre ceux-ci. La différence majeure avec les groupes précités va se situer dans l’approche vraiment nordique de la production. L’éponyme d’intro est une bonne illustration de ce ressenti. Partant de larsens annonçant la couleur, le riff lancinant et répété avec de plus en plus de puissance est comme ce mur. Toute comparaison exclue, cela me fait penser un peu à cette approche un peu djent comme l’a Meshuggah par exemple, mais cette fois appliqué au doom sludge.
De djent, il en est encore plus question sur le magma « Exit Through Fire » où Ole Rokseth balance un chant des plus naturels et des plus violents entendus cette année. Côté batterie, la machine de guerre se nomme Markus Støle et tient les remparts face à ce mur de riffs immense. Comme si une colline et un tsunami allaient entrer en collision d’un instant à l’autre. Cet extrait va vous parler et je ne peux que vous conseiller de l’écouter jusqu’au bout. Vous comprendrez mieux ma référence à Meshuggah. La dernière minute est tout simplement la destruction de toute chose, respirant ou non. Comme si cette colline ou mur et un tsunami s’était effondré l’un sur l’autre.
« Crimson » va encore plus enfoncer le bouchon dans la lourdeur en prenant le temps de s’installer. Et c’est là que le groupe montre ses capacités à ne pas lasser ses auditeurs en balançant du chant clair, plus proche d’un Yob pour ne citer qu’eux. Un pont atmosphérique et délirant s’installe au milieu de la composition et garde en alerte. On sent que quelque chose va se produire et on reste sur ses gardes. Au casque, la chair de poule s’est emparée de moi. Et quand ce moment intervient, cela groove sévère. La méditation débouche sur une seconde et gargantuesque vague de tsunami, encore plus haineuse que la première. Et celle-ci écrase tout sur son passage.
Cependant, Hymn n’a pas tout à fait dit son dernier mot. Il lui reste un peu plus de quatorze minutes sur le tranchant « Can I carry you » avec la voix de Guro Moe, une chanteuse norvégienne qui apporte le malsain à son paroxysme. À l’écoute de ce titre, j’ai le sentiment d’être poursuivi par une sorcière à travers la forêt du visuel. D’ailleurs à ce sujet, cet artwork tout en finesse et jouant sur peu de tons de couleurs, renforce le côté nordique et identitaire que l’on ressent à l’écoute de Breach Us. Cet arbre renversé empêchera toute fuite. Non seulement la sorcière me rattrapera mais le tsunami et le mur de colline seront chacun d’un côté et termineront ce qu’ils avaient commencé : l’anéantissement de tout de chose, respirant ou non. Hymn nous laisse un mur d’eau en effondrement et sous cette basse étouffante, comme dernière signe de vie. Avant tout de même, un final trop bref mais qui pourrait laisser une porte ouverte sur le troisième opus.
En quatre morceau, Hymn parvient à faire ce que certains groupes mettent des dizaines d’années pour y arriver : devenir un monstre sans nom et reconnaissable dès les premières secondes. Perish, leur premier opus de 2017 laissait déjà d’excellentes bases. Breach Us les approfondit, lui donne de l’envergure et fait entrer en collision le doom, le sludge et la djent. Faites le lien et là vous avez la sorcière, le tsunami et le mur. À vous désormais de choisir qui est qui selon votre interprétation de l’œuvre pour ce groupe plus que prometteur. Le troisième album sera certainement démentiel et la révélation absolue dans les années à venir.
Bonne écoute.
- Tiph