Le mot Quelle n’est pas qu’une simple succession de lettres prise dans le nom du groupe B R I Q U E V I L L E, non. « Quelle » en allemand signifie « Source ». Dès lors, il y a de nombreuses théories à élaborer lorsque l’on s’attarde sur le visuel choisi pour illustrer ce troisième opus. Cette photo dérangeante, ce dos limite décharné laissant des veines apparaître, cette main et ces ongles qui ne reflètent pas la bonne santé, cette attitude défensive et chétive, quelque part sous la pluie, là où un mal, un vice irréversible s’est installé et d’autant plus, nous tourne le dos… le ton de l’album est donné. Il sera malsain, malin, subjectif et cérémonial.
Il faudra la chercher cette source. Mais quelle source ? (Jeu de mots, tu l’as vu ?) La source du mal ? La source des ténèbres ? La source en son soi-même ? B R I Q U E V I L L E nous invite à nous interroger, à se questionner sur quelle est cette source, en nous donnant des armes mentales, en nous proposant leur version : celle qui se découvre au cours d’une procession de près d’une heure. Il faudra s’accrocher pour garder la tête froide derrière ce masque, celui que nous portons tous à visage découvert. Celui qui me tient en vie.
Toujours divisé en « Akte », Quelle nous emporte et ce dès les six minutes d’intro de l’ « Akte VIII » en théâtralisant l’ambiance version Eyes Wide Shut, attisant le feu, pour faire monter la fièvre et l’intensité. Avant ce coup de couteau aiguisé sur « Akte IX », ce riff d’intro tellement tranchant qu’il est impossible de ne pas s’imaginer le rendu scénique, ou soi-même en train de couper la pire sensation que l’on ait pu connaitre dans sa vie. L’ajout de la batterie va faire partir notre cou et doucement perdre le contrôle de mon être. Vous remarquerez que je mélange de l’introspection avec des images plus globales, comme si elles étaient hors de moi. La cérémonie m’emporte de plus belle à chaque seconde qui s’écoule et ce n’est pas l’ « Akte X » et son drone sur près de quinze minutes qui me ramèneront ma tête et ma raison à sa source. B R I Q U E V I L L E aime jouer avec notre patience en faisant espérer l’explosion mais c’est le groupe qui décide quand on ouvre la soupape. Pendant ce temps, je brûle l’encens et laisse mes sens entrer en communication l’un avec l’autre… C’est très introspectif.
L’ « Akte XI » transcende avec son riff qui n’est pas sans rappeler l’Orient. Ce même type de riff qui était hallucinatoire sur l’ »Akte VI » du deuxième album. On a ouvert une porte vers un monde auquel seul le subconscient a accès. La folie dans la répétition de ce riff me prépare à l’ »Akte XII« , le single en puissance sur Quelle. Un peu comme une continuité de l’Akte précédent, dans cette même idée orientale. Si ce n’est que cette fois, la cérémonie va prendre une tournure plus forte en intensité. Juste énorme et absolument imparable.
A ce stade, je suis complètement acquis à la cause, je suis à la source de mon être, quelque part très bas quand le lancinant « Akte XIII » débute. Le corps se balance sans mon consentement en suivant le rythme. Jusqu’à l’implosion, le reflux des sentiments expulsés avec violence et répulsion. La transpiration suinte mon cou, les gouttelettes coulent dans mon dos, la composition a pris un pas supplémentaire dans l’engrenage de ce rituel. A la fin, je me sens tel ce corps sur le visuel : au bout de mon être.
Mais ce n’est pas fini, non. On peut encore aller plus bas dans l’ »Akte XIV« , avec ce coté plus post metal et martial dans le jeu de batterie. Une sorte de riff du malin entête. Comme s’il se jouait de nous, de moi, de toi, de lui, d’elle, de tout. L’invitation à chercher sa propre source et s’en abreuver est toujours de rigueur. Le tempo est lent, langoureux et lourd à la fois dès la seconde partie de ce morceau. B R I Q U E V I L L E est l’ambiant, la source de cette chimère, sa composition est l’essence même de cette source. Je divague totalement oui. Si cela n’a de sens que moi, alors qu’il en soit ainsi. Car l’ »Akte XV » débute pour clore la cérémonie. Il reste huit minutes de transe addictive, d’un riff dominant et surtout un flow doom des plus lourds. J’ai creusé putain, j’ai creusé jusqu’à me trouver enseveli de ma propre peau tout au long de cet opus. Et je n’ai toujours pas mon compte, on n’en a jamais assez de cette magnificence, la fréquence la plus basse qui fera vibrer le cœur au plus bas. Les ultimes minutes sont l’étouffement, l’absorption des tripes et de ce qu’il reste de mon âme, de mon corps, de ma propre sueur comme surchauffée par l’encens et les flammes créées par mon propre cœur. Les notes finales sont faites pour clôturer, arrêter la respiration et laisser pantois. B R I Q U E V I L L E me laisse à terre, sans possibilité de me relever.
Avec Quelle, B R I Q U E V I L L E franchit un cap, un pas qu’il n’était déjà plus nécessaire de faire après le second opus déjà chez Pelagic Records mais que le groupe s’était imposé à lui-même peut-être. Je n’ai aucun doute que cet album est appelé à devenir une pierre angulaire du post metal à la sauce belge et que les frontières ne seront que de vains mots pour la formation à présent. Derrière ces masques se cache la source de ce qui fait B R I Q U E V I L L E, ce qui l’anime, le fait vivre et lui confère cette aura si puissante. Ce n’est pas un groupe, c’est un concept, une idée. Il n’y a pas besoin de savoir qui se cache derrière chacun de ces masques. Car c’est une partie de chacun de nous et de son soi et de ce que nous choisissons de croire qui y est enfermée avec le mythe.
Bonne écoute.
- Tiph
Bonne chronique ! Hâte de mettre la main dessus 🙂