Ce soir, je vais débuter mon article un peu différemment. Ce que j’aime particulièrement depuis que je m’attelle à l’écriture de chroniques, c’est la diversité énorme qu’offrent les artistes. Mais attention, il ne s’agit pas uniquement d’artistes musicaux. Certains artistes eux, se démarquent en offrant des visuels à couper le souffle, qu’il s’agisse de photos, dessins ou peintures. Dans le cas des Parisiens de DDENT, je pense qu’il s’agit du fusain qui est mis à l’honneur. Et de quelle manière! En effet, je l’ai observée sur toutes ses coutures et je déclare qu’à ce jour en 2020, je tiens pour l’instant la pochette la plus éprouvante, la plus nuancée et la plus à même de provoquer un débat. Non, vraiment, c’est de l’art comme je l’entends avec mes racines et mes ressentis. Jugez-en plutôt. Seul Celeste à ma connaissance est capable d’atteindre ce niveau de puissance évocatrice similaire.
Il y a des monstres partout dans cette représentation. Que ce soit dans les yeux de l’enfant, l’ombre ou encore la salopette, tout est purement cauchemardesque, sans tomber dans le racolage. Tout se joue dans le non-dit, l’oppression est hyper forte à la vue de cette fresque. Il est actuellement 1h04 du matin, je pensais me coucher et puis ce visuel que j’ai déjà maintes fois observé m’a parlé. Il m’a adressé ces mots que je couche, que je couvre de sang comme pour étouffer mon anxiété.
DDENT existe a priori depuis 2014 et a déjà proposé trois albums depuis lors. Ce Couvre-sang vient de sortir il y a un peu plus d’un mois en format numérique, avant une sortie physique en octobre, sous le label Chien Noir Prod.
Pratiquant un post metal fortement orienté industriel, DDENT propose un album complexe, presque conceptuel avec ce Couvre-sang. Entièrement instrumental, avec beaucoup d’éléments rappelant la période d’or de l’indus de loin ou du moins dans l’approche. DDENT s’aventure dans des contrées expérimentales là où à ma connaissance, peu sont allés faire un tour. Ce qui y ressemble le plus sérieusement serait Jesu, le side-project de Justin Broadrick, tête pensante des légendaires Godflesh. D’ailleurs, je pense que Jesu est l’une des inspirations de Louis Lambert, le compositeur de Couvre-sang.
L’intro « II » nous envoie de la dissonance, comme une machine de foire déréglée, avant de nous faire comprendre où nous sommes tombés sur « Songe ». Dans un délire complètement ahurissant, totalement inattendu tant on ne le sent pas venir. Je vous propose d’ailleurs de réaliser par vous-mêmes en extrait. C’est lourd, c’est aérien, c’est écrasant. « Volemie » virevolte plus du coté de l’industriel avec un relent de Godflesh justement, batterie électronique à l’appui. Puissant, électrique, spartiate. Sans pitié.
La brève interlude « Yyyyyyyyy » fait revivre cette machine de foire, encore plus détraquée. Ça m’en fout la chair de poule. C’est cependant un bon pont pour accéder au puissant « puissancerevee ». Plus post metal, on fait pas. On laisse son corps s’emporter avec ce son si… empirique, voilà (je suis resté bloqué deux minutes pour trouver le mot juste).
Vous l’aurez remarqué, tous les mots sont collés. Lorsque vous placez l’album dans votre lecteur, cela donne un effet visuel étrange. Admirez. Comme une sorte de graphique ou je ne sais quoi, montant en puissance pour tout doucement diminuer et mourir sur le dernier morceau de l’opus. Il n’en sera cependant pas le cas à propos de l’intensité dans les compositions. Je ne sais pas si cela est fait exprès ou si je suis bon à enfermer (remarquez, je suis peut-être suffisamment cinglé pour m’être fait cette réflexion et avoir perçu quelque chose d’extrasensoriel…il est 1h31).
Toujours est-il que « Souvenirsdematieres » atteint un niveau supplémentaire de puissance presque spatiale tant on se sent minuscule, noyé dans un déluge de son. Ma gorge se noue littéralement tant c’est beau. Après une interlude encore plus détraquée, « Ooooooooooooo », « Viedesdechos » ralentit légèrement la cadence en proposition quelque chose de plus mid-tempo. Pas moins prenant, rassurez-vous. Cela me rappelle les Parisiens de Wuw, capables également de proposer des choses au moins aussi intenses. Le solo sur ce morceau atteint le paroxysme total, le divin est proche.
Le visuel semble tellement en inadéquation avec le contenu proposé. Le son peut parfait paraître empreint d’optimisme. Et pourtant lorsque vous l’observez, il a néanmoins tout son sens dans ce marasme. C’est un coup de poker totalement réussi de la part de DDENT. Il ne reste plus beaucoup de temps à partager avec ce Couvre-sang (j’avoue, j’aime ce nom d’album) et voici arrivé « Liedevin », le morceau le plus progressif dans son approche. Le coté post va cependant s’emparer de la composition pour devenir démentiel. J’écris les yeux fermés (sisi, j’y arrive), là tellement c’est puissant, comme si Year Of No Light leur avait montré la voie à emprunter et ils ont choisi de la suivre. C’est tout simplement irrésistible. Et le final inattendu. Vous en jugerez.
Il reste le pavé monstrueux « Voile », chimère doom sludge hyper oppressante et très lourde dès les premières secondes. Plus de neuf minutes où le corps et le sang ne font plus qu’un. La basse est titanesque. Quand je vous disais que l’intensité ne baissera pas, je ne me trompais pas. Autant d’ailleurs vous prévenir qu’à partir de la cinquième minute, vous aurez envie de tout détruire autour de vous. C’est mon cas mais je me contiens. La fin de ce morceau parlera aux fans de Bagarre Générale dans son approche. « V » clôture l’opus toujours avec cette machine de foire détraquée, un peu comme certaines sonorités de Radiohead sur « Everything in its right place » maintenant que j’y pense. Angoissant, mais tellement prenant et magnifique. Il y aura un morceau supplémentaire sur la version physique « Volemoi ». une bonne raison de le commander je pense.
Finalement, j’allais me reposer et j’ai écrit cette chronique presque sur un coup de tête en pleine nuit. Bien que relativement violent, Couvre-sang prend vie dans la nuit, il est désormais 2h01 et je pense que je vais ruminer sur cette splendide découverte et ce visuel de DDENT. Je vous le conseille plus que vivement pour vos nuits d’angoisses. Si Couvre-sang n’atténue pas votre anxiété, il vous permettra au minimum comme pour moi, d’y mettre des mots, une image et un son. Un sens. Croyez-moi ça aide.
Bonne écoute.
- Tiph