Sous ses airs inoffensifs, le sympetrum noir (autrement appelé libellule) est en réalité un prédateur à son échelle et dont la vie éphémère prend court entre la mi-juin et fin septembre. Durant ce laps de temps, elle mène une vie près des étendues d’eau et à la fin de cette vie, y laisse ses œufs à éclore à la prochaine saison. Si on analyse le cycle, avoir une vie aussi courte doit être d’une intensité extrême.
C’est un peu le constat similaire que je dresse à propos de ce Close, quatrième sortie des Anglais de OHHMS. En six années de carrière, c’est déjà leur cinquième album qui vient de paraitre chez Holy Roar Records il y a à peine quelques jours. Première remarque est donc que cet opus voit le jour au même moment que le retour des libellules. La vie de celle-ci étant courte, l’album ne dure qu’une trentaine de minutes. Et pourtant, nous allons vivre une expérience riche en puissance et une démonstration de maîtrise.
OHHMS, c’est toute l’essence d’un Mastodon et d’un Neurosis pour créer une chimère progressive en mutation constante. La compression des genres jusqu’à l’éclosion de l’insecte écrasant, cathartique, qui va vivre ses émotions à pleine vitesse. Oscillant entre post metal et sludge (assez progressif), morceaux plus longs et très courts, Close est un délice pour les amateurs des groupes précités dans ce paragraphe.
S’ouvrant sur « Alive ! », le sympetrum prend forme et vie. Doucement dans sa chrysalide, il perce son trou, un liquide saumâtre s’en échappe. Soudain, la conscience que l’on existe donne lieu à la première explosion. Le réveil est amorcé et on le vit à pleins poumons. Il n’a pas le temps de s’attarder car la mort est déjà proche. Après l’interlude « ((Flaming Youth)) » où le corps, lui, brûle déjà et il cherche à se reproduire dans l’atmosphère d’un été chaud, « Revenge » annonce la couleur d’un moment long en intensité pour la brève survie, bien vaine pourtant. Mais n’est-ce pas là le but de la vie ? La vie à fond et ne pas en perdre une seule nanoseconde ? Nous avons neuf minutes pour en saisir le sens alors que notre sympetrum sans patte (je parie que vous ne l’avez pas remarqué) cherche toujours à laisser une trace de lui dans ce monde avant la pourriture de son être. Alors, il y va à fond, il respire et tant pis si la toile d’araignée est sur son chemin. Trip assuré mon gars, ce final !
« ((Strange Ways)) » nous emmène au crépuscule du jour. En août, quelque part par là. Il ne faut plus traîner, les interludes sont courts dans ce marais. Un « Destroyer » inspiré par Mastodon, progressif dans l’âme, emmène notre sympetrum vers des endroits où seule sa voix possède un écho. Il faut plus que vivre l’instant désormais, la folie le guette, il n’a toujours pas trouvé une compagne pour laisser sa marque. Sur « Asylum », il se perd dans le rythme violent pour mieux tomber. La chute sera dure, courte et sensorielle.
Le jugement dernier est arrivé. Septembre n’est plus l’aurore mais bien la fin. Il est trop tard pour satisfaire son but. Désormais, il ne reste plus qu’à suivre son instinct et apprendre à mourir. Mais cela ne sera pas sans un dernier coup d’éclat. Violence et puissance se mêlent pour appréhender mieux le grand final. « Unplugged » se construit pour détruire toute trace mais pour partir l’esprit sain. La confession est libératrice et salvatrice. Le sympetrum se meurt dans la dissonance et un cycle qui ne reprendra pas avec lui. Doucement, il s’éteint et son corps dans l’abîme du marais. Il est parti.
Close est une œuvre philosophique, libératrice, salvatrice, où la rédemption et l’aura se rencontrent pour former cette libellule noire, libre comme l’air mais avec ses déboires et amertumes. Sa violence et sa maîtrise de soi. Ses envies et folies. La puissance atteint son paroxysme sur « Revenge », composé comme le centre de la vie du sympetrum. Et non, je ne suis pas encore défoncé et oui, le sympetrum existe. Une superbe découverte. À votre tour désormais.
Bonne écoute
- Tiph