Construire, consciencieusement. Détruire, patiemment. Pour tout reconstruire, brillamment.
C’est ce que Weserbergland fait sur son nouvel album Am Ende Der Welt, qui est un de mes véritables coups de coeur du moment. J’étais déjà tombé amoureux de leur précédent opus, Sehr Kosmisch, Ganz Progisch, que j’écoute encore régulièrement d’ailleurs. Mais là, le groupe norvégien passe clairement à autre chose même si on reconnaît, de temps à autre, les artifices qui ont fait les glorieux jours de l’album qui le précède. Alors que Sehr Kosmisch, Ganz Progisch (traduisez « très cosmique, mais surtout prog ») était une ode à la musique progressive et cosmique (comme son nom l’indique…), son successeur explore les vastes contrées de la musique bruitiste, parfois difficile d’accès pour la plupart d’entre nous. Ici, je suis conquis.
Am Ende Der Welt est donc une expérience musicale incroyable. Il est à écouter dans d’excellentes conditions. Hors de question de cuisiner une salade de saison ou de préparer un risotto aux champignons pendant l’écoute, vous devrez y consacrer du temps pour que l’expérience soit gratifiante. Et c’est véritablement ça qui rend l’expérience particulièrement immersive et unique. Il s’agit d’un seul morceau de 42 minutes qui débute de manière gentillette, au gré de la berçeuse mélodique du violon qui absorbe sans efforts l’auditeur dès les premiers instants. C’est la construction dont je vous parlais.
Vient ensuite la phase de destruction, ou de déconstruction, qui s’amorce à partir de la quatrième minute environ. Cette phase durera quelques minutes pour nous proposer une avalanche de mélodies à la fois répétitives et cycliques, mais annonçant déjà des éléments de bruitisme parcimonieux. C’est dans ce passage qu’on reconnaît le Weserbergland d’avant, les sonorités ne trompent pas. Je suis déjà plongé dans la folie de ce disque. Une folie tout à fait poétique qui n’appartient qu’à eux.
Puis, pendant plus de 20 minutes, les musiciens nous font voyager paisiblement dans leur univers, toujours avec ce côté bruitiste, omniprésent mais bizarrement apaisant. Ensuite, c’est un délicat moment de répis qui vous attend, pour repartir de plus belle et vous offrir un final explosif où les rythmiques s’entrelacent et se perdent. Je suis perdu, moi aussi, face à l’étendue du talent de ces musiciens qui viennent de taper dans le mille avec ce disque. En associant l’intriguante, et difficile d’accès, musique bruitiste à la musique progressive, ambient et psyché, Weserbergland s’est forgé un univers tout à fait singulier.
Une autre expérience, le « Binaural Mix »
Si vous n’avez pas froid aux yeux, que vous voulez passer votre soirée, ou votre nuit, à rêver et à tenter de déchiffrer l’expérience qu’est Am Ender Der Welt, vous savez ce qu’il vous reste à faire. D’autant que ce disque risque bien d’occuper une bonne partie de votre nuit tant il est riche. Il y a fort à parier que vous appuierez sur play à nouveau, dès la fin du disque, si vous vous sentez interpellé par ce que vous venez de vivre. Je vous invite également à écouter la version « Binaural Mix », que je viens de terminer d’écouter à l’instant. Ce mix binaural transforme l’album, lui apporte encore plus profondeur et élargit l’espace scénique musical. Cette version est à écouter au casque, absolument et sans exception, pour en saisir toutes les subtilités.
Bravo, Weserbergland, vous êtes auteurs d’un chef d’oeuvre.
- Guillaume