Si, contrairement à moi, vous n’avez pas raté la sortie en ce début d’année de l’EP Copper Wasp du groupe Night Verses, vous avez très certainement dû bouillir d’impatience en attendant la sortie du 3e LP annoncé à cette période. Dans le cas de votre serviteur, aucune anticipation n’a eu le temps de se former, je me suis retrouvé devant le fait accompli : Night Verses vient de sortir un album, et – vous vous en doutiez ? – c’est une merveille.
Après s’être séparés de leur vocaliste, qui a officié sur chaque EP et LP précédant cette année, le trio restant de Night Verses s’est lancé un défi : sonner le plus « gros » possible, la limite à ne pas franchir étant la possibilité de jouer ces nouveaux morceaux en live. Pas la peine de faire durer le suspense : le pari est réussi, ce nouvel album est vaste, riche et beau.
Thématiquement, et pour résumer au plus simple, From the Gallery of Sleep représente une succession de rêves. Cependant, les musiciens ne mettent pas l’emphase sur le contenu de ceux-ci, mais plutôt sur la qualité onirique de chaque piste, les variations de couleurs, de tonalité et de textures, représentantes abstraites mais percutantes de la volatilité de nos songes. Pour accentuer cet effet de rêve éveillé, les musiciens ont recours à des effets sur leurs instruments, à des échantillons vocaux et des bruitages/glitches. Pour le plaisir de nos oreilles, jamais ces ajouts ne semblent déplacés, et j’ajouterai même que le trio signe ici un coup de génie : en les incorporant d’abord au compte-gouttes, l’impression de l’auditeur de s’enfoncer dans son sommeil au fil de l’écoute n’en est que renforcée. Respecter l’ordre des pistes n’a rarement eu plus d’importance que sur cet album.
Là encore Night Verses a joué fort : en nous donnant en aperçu 3 des 4 premiers morceaux de l’album, ils ne nous gâchent pas le plaisir de voir l’évolution de l’album dans la longueur. Car si les morceaux présents sur Copper Wasp sont indiscutablement de bonne facture, les véritables surprises de l’album sont présentes dans le reste du LP. Des morceaux plus calmes tels que Glitch in the You I Thought I Knew ou Harmonic Sleep Engine contrastent à merveille avec la frénésie que l’on peut trouver sur d’autres morceaux. Le morceau Balboa s’offre même le luxe de marier atmosphère planante et batterie délicieusement technique mais subtile comme nous en donnerait un Russian Circles.
Si je n’ai pas encore abordé le côté technique de l’oeuvre, ce n’est pas parce qu’il laisse à désirer, loin de là. Mais là où des groupes plus faibles auraient privilégié la technicité au détriment de l’atmosphère, ou pire pour un groupe technique, l’originalité, Night Verses ne cède pas aux sirènes de l’arrogance. L’instrumentalisation est certes virtuose mais jamais n’émane de cet album une impression de suffisance. Même le clou du spectacle, le gargantuesque Phoenix IV: Levitation, conserve tout au long de ses presque 10 minutes les mêmes nuances que le reste de l’album.
Avec ce morceau, Night Verses respecte la tradition qu’ils ont depuis le début de leur carrière : chaque œuvre possède un Phoenix, qui est l’occasion pour le groupe d’essayer de repousser leurs limites, et qui représente en fait pour eux une vignette de ce qu’il leur était possible d’accomplir à une époque donnée. Autant dire que les riffs géniaux ne se font pas rares.
Avec The Gallery of Sleep, Night Verses entame un nouveau pan de son histoire de manière explosive, et laisse rêveur quant à ce que le futur nous réserve si déjà la barre est placée si haute.
- Anthony