Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de Paul Verhoeven. Réalisateur pourtant célèbre dont le nom évoquera peu au grand public alors que celui-ci est pourtant familier de quelques-unes de ses œuvres les plus emblématiques.
Le sulfureux « Basic Instinct » (1991), le cynique « Starship Troopers » (1997) ou encore le décomplexé « Robocop » de 1987, c’est lui.
Il a refait récemment parler de son œuvre à l’occasion de la sortie de son dernier métrage « Elle » (2016) avec notre Isabelle Huppert nationale.
Cinéaste d’origine néerlandaise qui se sera vu surnommé « le Hollandais Violent » au pays de l’Oncle Sam en raison de son goût prononcé pour l’hémoglobine et le sexe, le cher Paulo ne compte malheureusement pas que des succès a son actif.
Lui, qui prend un malin plaisir à créer et alimenter la controverse en plus de faire criser les organes chargés de la censure de ses films, traîne des petites casseroles répondant notamment aux doux titres de « Showgirls » (1995) et « Hollow Man » (2000).
Il sera bien sûr question de cette dernière, salement rebaptisée sur notre territoire « Hollow Man : l’homme sans ombre ».
Hé non ! Il n’est pas question d’un film de superhéros. D’ailleurs, à l’époque, ils n’avaient pas autant le vent en poupe que maintenant. Sans ombre, mais ombre au tableau quand même ? C’est ce que nous allons voir ci-après.
Le projet ne manquait initialement pas d’intérêt. Le concept de l’homme invisible repris par le Hollandais Violent avait de quoi réjouir, lui qui a toujours été fasciné par les plus bas(ic) instincts de l’Humanité.
L’histoire prend place à Washington dans un laboratoire ultrasécurisé où une équipe de chercheurs, dirigée par le brillant mais mégalomane Sebastian Caine, essaye de mettre au point un sérum d’invisibilité (à des fins évidemment militaires).
Le rôle principal est tenu par Kevin Bacon, un choix pertinent tellement cet acteur a le physique du type manipulateur et futé parfaitement conscient de ses atouts.
Désireux de tester sur sa propre personne le sérum ayant fonctionné au préalable sur plusieurs animaux, Sebastian manipule son équipe, dont fait partie son ancienne petite amie, pour arriver à ses fins. Il y parvient mais les choses dégénèrent quand inverser le processus s’avère plus compliqué que prévu.
Sebastian cède alors à toutes ses pulsions, profitant de son invisibilité pour épier sa jolie voisine dans son intimité, effrayer des petits enfants, tripoter une collègue pendant son sommeil et même taquiner sournoisement un SDF…
Prenant goût au sentiment de puissance que lui procure son don (ou sa malédiction, c’est selon), Sebastian passera progressivement le cap de la ligne rouge, venant à préméditer le meurtre
L’idée de base fait franchement froid dans le dos. Tout était réuni pour faire de « Hollow Man » une œuvre dans la droite lignée de ce dont nous a habitué Paul Verhoeven.
Cependant, de la même façon que Sebastian n’a pas su résister aux pièges de la facilité, le scénario se perd à mi-parcours dans des rebondissements un peu honteux qui laissent un amer goût de gâchis et d’inachevé.
Et ce malgré des effets visuels tout bonnement impressionnants (encore aujourd’hui) qui pourraient servir pour des cours d’anatomie, ou une musique angoissante dont seul le regretté Jerry Goldsmith a le secret.
Il sera toujours loisible de reprocher à l’ensemble son look de série B de luxe, qu’importe ! D’une certaine manière, cela fait partie intégrante de la patte de Verhoeven. Et il en va de même pour le massacre final, hélas hâtif et maladroitement amené, à peine digne d’un slasher (revenu à la mode à l’époque, rappelons-le) ou d’un Alien du pauvre.
Pas de doute sur ce point : le spectateur a notre quota d’action jouissive et de violence décérébrée. Mais elle fait tâche, à l’image du sol du laboratoire recouvert par le contenu de plusieurs pochettes de sang destiné à une transfusion d’urgence.
Elle fait tâche car l’histoire nous annonçait depuis plus d’une heure un excellent pied-de-nez au manichéisme primaire en nous présentant le point de vue d’un pur vicieux qui a été à deux doigts de réussir son coup.
Au lieu de ça, tout est bien qui finit bien. Les gentils (le petit couple parfait) s’en sortent de manière peu convaincante, et le générique de fin débarque de façon si cheap et abrupte que l’on a véritablement l’impression d’avoir visionné un téléfilm de luxe qui n’est pas allé plus loin que le bout de son nez, et qui s’est tiré une balle dans le pied en pleine ascension.
En parlant de téléfilm, on évoquera l’existence d’une suite direct-to-DVD qui ne fait que honteusement profiter du concept sans en avoir saisi les subtilités, et dont on ne peut que déconseiller le visionnage pour ne pas plus vider son chargeur sur l’ambulance.
« Hollow Man » restera donc une œuvre mineure dans la filmographie de Paul Verhoeven alors qu’elle avait le potentiel pour en imposer. Elle n’en demeure pas moins un guilty pleasure parfaitement honorable et récréatif. Encore faut-il passer outre le sentiment de frustration découlant d’intentions de départ manifestement louables mais égarées sur le trajet.